HHY & Beast Box : Jonathan Uliel Saldanha (Portugal), Diogo Doria (Portugal), Benjamin Brejon (France), Ewen Chardronnet (France) | Performance pour voix, son et images
Une performance sonore, théâtrale et multimédia inspirée du roman « La forêt de cristal » de J.G. Ballard, offrant une expérience immersive dans un environnement de jungle cosmologique, prismatique et fictionnelle. Dans cette jungle symbolique, sensorielle et sonore - espace organique et mental - le musicien portugais Jonathan Uliel Saldanha en collaboration avec Benjamin Brejon, Ewen Chardronnet et Diogo Doria (acteur fétiche de Manoel de Oliveira) emmène le public dans un monologue envoutant et une fantasmagorie sonore célébrant l’écho, les résonances et les fréquences chtoniennes, pour un aller-retour constant entre rêve et réalité.
http://www.soopa.org/release/maquina-da-selva-mundo-de-cristal/
Partie 1 - SELVA
Le fleuve faisait une courbe puis s’ élargissait. L’ eau avait une luminosité rosée, comme si elle reflétait une aube distante, ou les flammes d’une conflagration silencieuse. Pourtant le ciel était d’ un bleu pale et fixe, sans le moindre nuage. Nous regardions fixement la jungle, qui nous regardait en retour. C’ est à ce moment que j’ ai compris que cette histoire de jungle qui se cristallisait et se transformait progressivement en verre était rigoureusement vraie.
La longue voute des arbres, suspendue au dessus de l’eau, semble ruisseler et briller avec des myriades de prismes. Les troncs et les branches , recouverts d’une pellicule de lumière dorée et pourpre se mélangent avec la surface de l’ eau, comme si toute la scène était reproduite par quelque procédé de saturation Technicolor.
Puis, l’éclat diminuait, et les images des arbres réapparaissaient, chacune recouverte d’une armure de lumière, les feuillages brillant comme si ils avaient été fait de pierreries en liquéfaction. La beauté de ce spectacle agita ma mémoire et, maintenant, des milliers d’images de mon enfance, oubliées depuis 40 ans, remplissaient mon esprit. Evocations du monde paradisiaque des premières années de quelqu’un quand tout paraissait être………..
(…)
La jungle, cette foret de cristal illuminée, reflète une période primitive de notre vie. Peut être le souvenir archaïque de notre naissance dans quelque paradis ancestral ou l’ unité du temps et de l’ espace est la caractéristique de toutes les feuilles et de toutes les fleur. Il est évident, pour moi, que dans la foret la vie et la mort ont une signification différente que celle qu’ elles ont dans notre monde ordinaire et sans reflets. Mon expérience dans la jungle m’ a appris que tout mouvement conduit inévitablement à la mort et que le temps est son esclave.
Durant le jour les oiseaux volent à travers la foret pétrifiée et des crocodiles couverts de pierreries brillent comme des salamandre héraldiques sur les berges des rivières cristallines. La nuit, l’ Homme Illuminé ( lumineux ?) cours parmi les arbres, ses bras : des roues dorées et sa tête : une couronne spectrale.
Nous savons maintenant que c’ est le temps qui détient la responsabilité de la transformation. La découverte récente de l’ antimatière dans l’ univers implique inévitablement un anti-temps, comme une quatrième dimension négative de ce continuum. Quand les particules et les anti-particules entrent en collision, elles ne détruisent pas seulement leur entité physique : leurs valeurs temporelles opposées s’ éliminent mutuellement, soustrayant de l’ univers la même quantité de sa réserve totale de temps.
Dans cette jungle immobilisée, on trouve une récompense immense. Là bas, ou la transfiguration de toutes les formes animées et inanimées se produit sous nos yeux, le prix de l’immortalité est la conséquence directe de la reddition. Tout apostates que nous puissions être dans ce monde si, là bas nous deviendrons par force des apôtres du soleil prismatique.
Partie 2 - Effet Hubble
Durant la dernière année, depuis que les nouvelles à propos de ce qui est aujourd’ hui vulgairement connu comme l’ Effet Hubble, le Syndrome de Roskov-Lysenko ou encore LePage Amplification Synchronoclasmique, ont eu, pour la première foi, un impact global, on a produit tellement d’ informations contradictoires qu’il me semble nécessaire de souligner que ma description du phénomène se base intégralement sur une expérience de première main, et que je suis le témoin direct de tout ce que je décris.
Le temps qu’il nous reste jusqu’à ce nous devenions tous des spécialistes de la nature exacte de l’ effet Hubble est quelque chose d’ encore incertain et ouvert à toutes les spéculations et conjonctures. Et, pourtant, il parait clair que la période critique est derrière nous. Caché parmi les pages d’ un journal on trouve la nouvelle de la découverte d’ une « galaxie double » par les chercheurs de l’ Institut Hubble. Le texte ne fait pas plus d’ une demi douzaine de lignes et on y trouve aucun commentaire. Il se conclu sur le constat que s’ est formé quelque part sur la surface de la terre une autre « area focal », peut être dans les jungles ou se cachent les temples du Cambodge ou dans les forets d’ ambre hantées des régions montagneuses du Chili. Malgré tout, il y a peu d’ observateurs spécialisés qui ont témoigné de ce phénomène et courent toutes sortes d’ histoires improbables parmi les pages des journaux au sujet d’ une foret en cour de cristallisation et des objets qui se « transforment en verre coloré ».
Peu de temps après les premières manifestations du phénomène, le Département a communiqué que toutes les conditions logistiques étaient réunies pour une inspection, invitant ( les journalistes) a participer eux aussi à un programme de missions scientifiques et de visites des sites concernés. Il semblait clair que, dans un certain sens, les journaux avaient raison mais que, d’ un autre coté, il y avait beaucoup plus d’ informations sur l’ Effet Hubble que celles qui avaient été diffusées par les autorités officielles.Au début de notre voyage, et comme pour nous rappeler de l’ origine céleste de ce phénomène, les nouvelles d’ une autre manifestation nous parvinrent par une synthèse radiophonique.
La voyage fut une succession de stations services fantasmagoriques, de longues attentes dans des terminaux d’ autocar semi-abandonnés et dans des locaux d’ entreprises de location de véhicules, dans des courses de taxis nauséabonds, vautrés sur la banquette arrière, derrière deux paires de lunettes de soleil, nos visages à demi recouverts de nos blousons retournés, comme un photographe victorien préoccupé par sa lentille. A mesure que nous progressions vers le sud, les paysages devenaient simultanément lugubres et opaques, ces villes à demi désertes et les autoroutes vides, comme observées à travers des rétines enflammées. Parfois, j’ avais l’impression de regarder l’ intérieur du soleil à partir d’ une gondole éphémère suspendue, à travers un air semblable à un vitrail de feu capable de faire fondre les fenêtres sales du taxi.
Arrivés sur les berges du fleuve, ou une demi douzaine de véhicules amphibies se reposaient, amarrés à un quai flottant, nous sommes sorti du Car et nous avons été guidés jusqu’ aux installations ou étaient hébergés les visiteurs. Nous y avons trouvés une cinquantaine ou une soixantaine de personnes qui semblaient occuper des postes importants : membres de laboratoires gouvernementaux, cadres des services de santé publique et journalistes scientifiques. A ce moment on nous conseilla de rester strictement à l’ intérieur du périmètre balisé, et à ne tenter d’ aucune façon d’ avoir accès au « matériel contaminé » et, par dessus tout, de ne jamais rester longtemps au même endroit et de nous maintenir constamment en mouvement.
J’ ai marché parmi le sable noir, oubliant les marges et les recommandations officielles. Tout le paysage de cette ile était synthétique, un artefact avec toutes les associations et un vaste système d’ autoroutes en ciment abandonnées. Au dessus de moi, le long des dunes, des palmiers énormes s’ inclinaient sur l’ air sombre comme les symboles d’un alphabet cryptique et, parmi ces arbres, les contours des bunkers et des tours en ciment, qui formaient une espèce de capsule continue, une architecture fonctionnelle et monolithique, aussi grise et menaçante ( et aussi apparemment ancestrale, dans sa projection vers et à partir du futur) qu’un temple assyrien ou de Babylone. L’ile était abandonnée et toute cette jungle d’ armes, de tours, de mausolée déserts, de bunkers et de corps en plastiques inertes ( les anciens habitants de cette ville fantôme) était comme un flux d’assimilation et de capture du psychisme et de l’inconscient, battant tout velléité de l’ être humain à vouloir revenir à un état naturel et primitif. Ici, la clé du présent état dans le futur. Celle ile était un fossile du temps futur et ses strates pseudo-géologiques condensaient de brèves périodes de temps thermonucléaire, de durées de milliseconde. Bientôt, je serai complètement perdu et, malgré tous mes efforts pour revenir au périmètre, je me rendais compte que je retournai tout le temps au s centre d’ un énorme labyrinthe……
(……)
Pour une raison raison inconnue, je finissait invariablement par me perdre quand le soleil était a son zénith - à l'Eniwetok, le méridien thermonucléaire.
Je herrai dans ce scénario inhospitalier pendant de nombreuses heures, j'inspectai chacun des bunkers à la recherche d'un endroit convenable pour dormir et durant l'une de ses explorations j' ai trouve les restes d'une ancienne piste d'atterrissage a proximité d'une décharge où gisaient quelques B 29, alignés comme des cadavres d'une espèce étrange d'oiseau-reptile. Au bot d'un certain j'ai fini par me réfugier dans un bunker petit et oppressant, une chambre noire avec cinq meurtrières à travers lesquelles filtrait une lumière sépulcrale et où étaient installées des caméras. Cinq ouvertures qui, dans ce scénario, ressemblait a des symboles tutélaires d'un futur mythique. Une aura menaçante emmenait de ces tours ancestrales aussi anciennes, à leur manière, que les colonnes du temple de Karnak, porteuses d'un ordre cosmique alternatif, symboles d'une vision de l'univers qui aurait été abandonnée. Les arbres immobiles étaient aussi dèments qu'une vision de Max Ernst.
Là bas, le temps était différent. Quelque fissure psychique avait démembrée le temps et l'espace pour venir se loger dans les profondeurs de mon esprit. Elements d'un monde quantique situé dans le futur : la plage ultime, le bunker terminal, les blocs. un paysage codifié. Portail d'entré dans le futur. Segments d'un paysage vertébral. Zones de temps signifiant.
Vingt ans avaient passés depuis que les premiers symptômes de cette étrange pathologie, la " maladie de l'espace" étaient apparu pour la première fois. Elle avait touché, au début, une partie infime de la population, puis elle s' est répandue comme une maladie prolongée, dans les interstices des vies des victimes, dans les subtiles transformations de leurs habitudes et de leur comportement. Elle se manifestait invariablement par un refus de sortir de chez soi, puis, progressivement par l'abandon du travail, de la famille et des amis.
REPORTS FROM THE INNER STATION
Je suis malade. Mon bras est couvert d’ une masse de cristaux translucides qui va du coude à la pointe des doigts. A la place de la peau, les contours prismatiques de la main et des doigts forment des douzaines de reflets multicolores.
Le paysage semble s’ être mélangé avec certaines notions inconscientes du temps, en particulier celles qui surgissent comme des prémonitions réprimées de ma propre mort. Je suspecte que je ne serai ni le premier ni le dernier visiteur dans cette foret.
La longue voute des arbres, suspendue au dessus de l’eau, semble ruisseler et briller avec des myriades de prismes. Les troncs et les branches , recouverts d’une pellicule de lumière dorée et pourpre se mélangent avec la surface de l’ eau, comme si toute la scène était reproduite par quelque procédé de saturation Technicolor.
On dirait un labyrinthe infini de grottes de verre, illuminées par des lampes souterraines.
Comme si une séquence d’images identiques mais déplacée du même objet était produite par la réfraction à travers un prisme , mais ou l’élément du temps jouerait le rôle de celui de la lumière.
J’ ai vu l ‘épave de l’ hélicoptère. Au début, quand je suis passé à coté de l’ appareil, posé comme un fossile héraldique dans une petit combe, à ma gauche, je ne l’ ai pas reconnu. Les quatre hélices tordues, pleines de veines et transparentes comme les ailes d’une libellule gigantesque étaient déjà recouvertes par les toiles de cristal qui pendaient des arbres avoisinants. Le fuselage, partiellement enterré dans le sol, s’ était transformé un un énorme joyaux translucide. Dans ses profondeurs minérales, semblables à des chevaliers emblématiques serties sur un anneau médiéval, on pouvait voir les deux pilotes, immobiles aux commandes. Leurs casques argentées, une source infinie de lumière.
Je suis descendu au fond de la combe. Par la gauche. J’ ai regardé à travers le viseur de la tète du pilote, qui était maintenant comme un énorme saphir, taillé en forme de casque. Le coté gauche de son corps bougeait peiniblement, comme si il cherchait à se libérer, ses bras pétrifies faisant de faibles mouvements sous leur patine de verre, en direction de la boucle de sa ceinture de sécurité.
J’ ai essayé d’ essuyer les cristaux de glace qui s’ étaient formés sur ses globes oculaires. Des pensées informes semblaient traversaient son visage. C’ est alors que son œil unique, tel celui d’ un cyclope, m’ a regardé.
(...)
Je découvris que des paysages consistant en d'innombrables multiplicités de différences en forme, couleur et lumière me montraient seulement que leur essence était créée en-dehors des lois esthétiques, en-dehors de la pensée et de la nécessité.
Maintenant je suis assis près de la fenêtre et je regarde la lune et les étoiles. Des mondes volent dans cet abîme infini et on ne peut pas se représenter les chiffres, les distances qui nous mettraient en relation avec l’infini de la création. Et soudain la réponse arrive, encore plus insondable et inaccessible, et elle nous dit, cette réponse, que tous les Mondes avec toute leur puissance disparaissent dans l’infini du cerveau humain. Il semble pourtant incroyable que tout le ciel coure vers moi, dans un élan gigantesque, pour faire l’équilibre dans mon cerveau. Et si toute la force et toutes les dimensions de ces Mondes sont si grandes, c’est pour former l’étoile de mon être qu’aucun télescope ne permet de voir, et tous les mondes créés sont issus des associa- tions d’éléments issus de mon être pulvérisé, et aussi haut ou aussi bas que les mondes s’élèvent ou s’abaissent, leur seule voie conduit vers moi, l’homme, le centre le plus éloigné, vers qui tout accourt et de qui tout s’enfuit. Il me semble que la nature colossale des mondes créés s’engloutisse dans l’infini de l’espace calculé entre ces mondes. Mais comment se représenter que tous ces mondes colossaux avec leurs chiffres incroyables puissent prendre place dans mon si petit cerveau, où ils courent, où ils habitent ? Et pourtant l’obscurité de mon cerveau n’est-elle pas identique à l’espace obscur et les astres du ciel qui trouent cet espace obscur de leurs points lumineux n’entrent-ils pas pareillement dans mon cerveau obscur ? J’ai tiré l’infini de l’espace de mon cerveau, d’un lieu si petit, et j’ai montré que cet infini existe en lui, vit et se meut, meurt et vit de nouveau ; tous les chemins sont dessinés dans le crâne, tous les chiffres qui désignent les distances colossales y sont imprimés, tout le visible y a sa place. Qu’est-ce alors que ce crâne, quelle est sa capacité, sa contenance ? Et si on compare l’infini des mondes visibles avec le crâne de l’homme, on voit qu’ils occupent dans l’espace une place insignifiante, et qu’est-ce que toute cette distance, tout ce poids, toute cette vitesse quand je perçois le monde et même des milliers de mondes sans ressentir aucun poids, aucune vitesse. Aucun poids, aucune vitesse ne me dérange, pas plus qu’ils ne dérangent le ciel obscur de l’infini.
Si une goutte d'eau a créé une circonstance dans laquelle la lumière a éclaté en couleurs, alors il est possible que chaque fleur soit aussi une circonstance dans laquelle la matière couleur a été réfactée. Réfraction, division. L' unité se désintègre à travers un centre et produit de l'autre côté des formes et des couleurs. Comme la lumière se divise à travers la goutte d'eau dans les couleurs de l'arc en ciel , ainsi la matière se divise dans notre oeil pour créer des fleurs, des paysages, etc...