Survival Park (2012) est un film écrit et réalisé par Élise Charbey et Ewen Chardronnet. Il est produit par Bandits-Mages (Bourges) et Labomédia (Orléans) et fait partie intégrante du projet Survival Park porté par ces associations en 2012-2013 avec le soutien du CNC-Dicréam.
15 numéros de la Survival Park Daily News ont été produits par l'Association des Astronautes Autonomes entre le 21 novembre et le 18 décembre. À partir du 18 décembre, la Survival Park Daily News est devenue la Survival Park Bugarach News à l'occasion du tournage du film sur site à Bugarach (Aude).
Site internet : http://www.survivalpark.org
EDITORIAL
Dans
le film Punishment
Park
de Peter Watkins (1971), l'état d'urgence est déclaré face à
l'enlisement de la guerre du Vietnam et les militants pacifistes
arrêtés et envoyés pendant quelques jours dans un punishment
park,
un
parc d'entraînement pour policiers anti-émeutes et militaires
américains.
Aujourd'hui c'est un véritable Survival
Park
qui est annoncé au Pic de Bugarach pour le 21 décembre 2012, date
déclarée de la fin du monde par les astrologues en tout genre,
journalistes amateurs de sensations fortes, sectes et comités
anti-sectes, services de police en manque d'entraînement,
conspirationnistes angoissés et autres scénaristes dystopiques
hollywoodiens. L'Association des Astronautes Autonomes y établira
donc son pas-de-tir temporaire, l'occasion d'une véritable partie de
campagne d'observation des communications stratégiques en temps de
catastrophe ou de crise, tout en fournissant les outils de base pour
la navigation inter-sectes afin de quitter la gravité en toute
décontraction.
Un
vaste théâtre de l'anxiété et de la sécurité devrait être mis
en place pour les caméras réjouies des reporters de l'étrange du
monde entier. L'Association des Astronautes Autonomes a depuis
longtemps déterminé que dans les sociétés de l'information les
arcanes complexes de la sécurité puisent leurs racines profondes
dans les expériences subjectives. Les sentiments personnels de peur
et de sécurité sont basés sur de multiples causes inconscientes et
expériences composites : « la peur de la mort » est un
mélange d’anticipation abstraite et empirique de la mort
biologique, de peurs émotionnelles subjectives du fait de ne plus
être et d’anxiétés ontologiques. Ce sentiment d’insécurité
ontologique est intensifié par une prise de conscience croissante et
une médiation du risque dans la société en général. Le spectre
de la crise est reconvoqué régulièrement pour hanter nos sociétés
du risque et si les individus ont tous pris conscience des dangers
qui les menacent dans les environnements naturels et sociaux, ils ne
sentent pas de taille à les minimiser. Ayant atteint toutes les
sphères et contextes de l’interaction sociale, les changements
sociaux produits par une politique de l’incertitude créent une
mentalité de survivaliste et une légère panique souterraine. Bien
que la société en général soit affectée par les effets pervasifs
de l’insécurité, par les idéologies survivalistes, l’anxiété
urbaine et d’autres éléments similaires, il n’est toujours pas
possible de réaliser un constat direct de la crise au-delà du
niveau sociétal.
Dans
le contexte de narration culturelle nous présentant des mondes
anxiogènes aux catastrophes imminentes, la survie est le meilleur
résultat que l’individu puisse espérer et les expériences ou les
aspirations au changement semblent dangereuses. Alors que le
plaidoyer en faveur de la sécurité et le rejet de toute prise de
risques sont à présent jugés comme des valeurs positives dans tout
le spectre politique, l’idéal est d’éviter les blessures et de
ne rien faire. Encourager la passivité devient un objectif en soi,
et la dissidence un problème sécuritaire. Mais fuir les risques et
garantir la sécurité ne sont pas seulement devenus des thèmes
importants du débat politique : de l’analyse des risques à la
gestion des risques, en passant par la communication des risques,
c’est une véritable économie de la peur qui a été mise en
place. L’organisation sociale fonctionne dès lors suivant les
mêmes méthodes que celles de gestion et manipulation de la psychose
en temps de guerre, fabricant de hauts niveaux d’anxiété et
détournant l’agression vers des cibles spécifiques. La soi-disant
« fin du monde » 2012 est le dernier scénario élaboré
du militaro-entertainment
complex
d'un
capitalisme internalisé qui se nourrit des énergies psychiques, un
programme d'invasion de l’esprit basé sur un processus complexe de
manipulation symbolique. La guerre psychologique de zombification
humaine attaque l’esprit pour atteindre la volonté, édifiant une
prison virtuelle individualisée pour chacun et le survivalisme comme
mode de vie de l'homme hypercontemporain est l'unique porte de sortie
proposée à la sagesse des foules de télé-spectateurs, alors que
c'est combattre les conditions de projection de vérité et de
maintien de la paix culturelle dont nous aurions besoin pour
s'extraire de cette gravité imposée.
Un
vortex libre de cellules d'astronautes autonomes se manifestera à
Bugarach pour fournir les armes sémiotiques de libération des
notions répressives d'identité unique et des scénarios
claustrophobes pour adeptes de prophéties autoréalisatrices. Dans
le Survival Park, les astronautes autonomes évolueront, comme à
leur accoutumé, dans plusieurs directions à la fois pour mener des
opérations tactiques inter-sectes, ils introduiront une diversité
nouvelle dans les concepts monolithiques de l'héritage
ontothéologique et transformeront l’impulsion de sécurité
survivaliste en un art raffiné au service de stratégies d'évasion
d'une planète minée par l'anxiété généralisée.
Chus
Martinez